Genève
De mon lit j’imagine l’étrange quiétude du cimetière. Je me trémousse à l’idée du sang répandu; mes joues brûlent, mes dents immondes croquent le harpon glissant de la démence et je râle dans le noir comme une langouste aplatie.
Une touffe de tes cheveux titube sur la tombe. Ma poitrine se gerce de mille vaguelettes, agitées; je crois entendre les cris de nos parents, ces ténias sans opacité même dans la douleur—qui sillonnent les allées aux murs maussades de mousse, ils crient et se lamentent, propageant ainsi mon plaisir aux spasmes coulissants jusqu’au fin fond du jardin. Beau jardin aux silences de pommes de pin, aux rêves de marbre et de poulpes, aux sortilèges de blatte et aux douces odeurs de femme. J’écraserai mon cigare dans ton oeil poché de veilles, j’écraserai ton pénis de mon talon éculé, je t’écraserai tout entier dans la puanteur de mon refus.
Ta voix perce la cloison. Tu te plains. Mon vagin se resserre. S’attendrir, et puis attendre ...
Notes:
Read the English-language translation, “Geneva” by Emilie Moorhouse.
This poem is part of “When Can I See You Again: The Poetry of Joyce Mansour,” translated by Emilie Moorhouse. You can read the rest of the portfolio in the June 2023 issue. The poems in the original French are copyright © 1953, 1955, 1958, 1959, 1960, 1965, 1967, 1976, 1982, 1985, 1986, 1991, 2014, 2023 by Cyrille Mansour for the Estate of Joyce Mansour.
Source: Poetry (June 2023)